Fitch abaisse la note d’Oragroup : une sanction qui accentue la crise du groupe bancaire togolais

Oragroup, l’un des principaux acteurs bancaires de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA), traverse une crise financière sans précédent. L’agence de notation Fitch Ratings a dégradé sa note de défaut émetteur à long terme en devises et en monnaie locale, la faisant passer de CC à C, le 11 novembre. Cette décision, motivée par un manque chronique de liquidités et des défaillances réglementaires, met en lumière la fragilité croissante du groupe dirigé par Ferdinand Ngon Kemoum.
Une alerte sévère sur les liquidités
Fitch Ratings ne mâche pas ses mots : « Un processus de défaut ou proche du défaut de paiement a commencé. » Depuis le 1er novembre, Oragroup bénéficie d’une période de grâce pour honorer certaines échéances en euros et en francs CFA. Cependant, selon Tim Slater, directeur de Fitch Ratings, le simple fait de ne pas respecter une échéance contractuelle suffit à justifier une telle dégradation. Ce retard s’ajoute à des problèmes structurels : depuis le premier semestre 2022, les ratios prudentiels de la banque sont systématiquement en dessous des minima requis par le régulateur de l’UMOA.
Des ratios prudentiels alarmants
La situation financière d’Oragroup est particulièrement préoccupante. Au 31 décembre 2023, les indicateurs clés de la banque étaient bien en deçà des seuils réglementaires fixés par l’UMOA :
• Ratio CET1 (capitaux propres / actifs pondérés par le risque) : 2,3 % (minimum requis : 7,5 %),
• Ratio Tier 1 : 2,4 % (minimum requis : 8,5 %),
• Ratio de solvabilité globale : 3,9 % (minimum requis : 11,5 %).
Face à ces résultats inquiétants, Oragroup a sollicité une dérogation spéciale pour valider ses états financiers de 2023. Une telle situation reflète une dégradation persistante de la solvabilité de la banque, qui doit désormais répondre aux exigences du régulateur avant le 31 décembre 2024.
L’incertitude autour de l’augmentation de capital
Pour répondre à ces défis, Oragroup a annoncé une augmentation de capital de 160 milliards de francs CFA (244 millions d’euros), validée lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue le 15 octobre. Cette levée de fonds, principalement par émission d’actions ordinaires, vise à redresser les finances de la banque et à repositionner son activité sur une base plus sélective et qualitative.
Cependant, cette opération reste incertaine, d’autant que le principal actionnaire, ECP Financial Holding LLC (détenteur de 49 % des parts), envisage de se désengager. « La réussite de cette augmentation de capital est cruciale mais loin d’être garantie, notamment en raison du départ probable d’ECP et de la proximité de l’échéance », estime Tim Slater.
L’ombre d’une acquisition par Vista Bank
Une solution externe pourrait émerger avec l’intérêt renouvelé de Vista Bank, fondée par Simon Tiemtoré. Après une première tentative infructueuse, Vista Bank a conclu, le 30 septembre, un accord pour racheter les parts d’ECP Financial Holding LLC dans Oragroup. Cette acquisition pourrait offrir un nouveau souffle au groupe bancaire, mais elle reste entourée d’incertitudes.
Les régulateurs avaient rejeté une précédente tentative de cession, et les investisseurs demeurent sceptiques. « C’est un dossier complexe, et les obstacles réglementaires restent considérables », explique un analyste de Sika Advisory, une société ivoirienne spécialisée dans les marchés financiers. Ce scepticisme se reflète également dans la performance boursière : l’action d’Oragroup a perdu 11 % à la BRVM suite à l’annonce de l’accord, poursuivant une chute vertigineuse de 53 % depuis décembre 2022.
Une crise multiforme aux conséquences régionales
La dégradation de la note d’Oragroup par Fitch Ratings est un coup dur supplémentaire pour une banque déjà en grande difficulté. Si l’augmentation de capital et une éventuelle reprise par Vista Bank pourraient offrir des pistes de redressement, l’avenir du groupe reste suspendu à des enjeux complexes, mêlant régulation, liquidités insuffisantes et perte de confiance des investisseurs. À quelques semaines de l’échéance réglementaire fixée par l’UMOA, Oragroup joue une partie décisive pour sa survie.
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