Redressement économique au Ghana : un espoir fragile mais réel - FINECO Redressement économique au Ghana : un espoir fragile mais réel - FINECO

Redressement économique au Ghana : un espoir fragile mais réel

Redressement économique au Ghana

Avec une croissance de 6,3 % au deuxième trimestre 2025, portée par l’essor spectaculaire des services (+9,9 %), l’économie ghanéenne semble amorcer sa sortie de crise. Mais derrière ces chiffres encourageants, les défis structurels persistent : inflation élevée, pauvreté croissante et dépendance aux matières premières. Les experts appellent à la prudence tout en saluant les premiers signes d’une transformation économique durable.

Dans un contexte continental marqué par les défis post-pandémiques et les tensions géopolitiques mondiales, le Ghana offre l’image d’une économie en voie de convalescence. Au deuxième trimestre de 2025, l’économie ghanéenne a enregistré une croissance annuelle de 6,3 %, contre 5,7 % pour la même période l’an passé (révisée), dépassant les projections de la Banque mondiale qui anticipaient une croissance modérée de 4,3 % pour l’ensemble de l’année. Cette performance surprend positivement les observateurs, mais suscite aussi des interrogations sur la durabilité de ce redressement dans un pays qui sort de “sa plus grave crise économique depuis des décennies”.

Une reprise portée par la transformation structurelle des services. Le secteur des services a surgi de 9,9 % au deuxième trimestre 2025, contre seulement 2 % sur la même période l’année précédente, apportant quatre points de pourcentage à la croissance globale de 6,3 %. Cette progression spectaculaire constitue l’épine dorsale de la reprise économique actuelle.

“Cette dynamique reflète plus que de simples chiffres. Elle signale la reprise et la confiance d’une économie qui trouve son rythme dans un environnement mondial très complexe”, analyse Alhassan Iddrisu, statisticien gouvernemental, lors de la présentation des résultats trimestriels.

La transformation est particulièrement visible dans le numérique : le sous-secteur de l’information et de la communication a bondi de 21,3 %, reflétant l’expansion rapide de l’économie numérique grâce à l’amélioration de la connectivité mobile et au développement des plateformes digitales. Cette digitalisation accélérée positionne le Ghana parmi les leaders africains de la transformation économique numérique.

Parallèlement, le PIB hors pétrole a progressé de 7,8 %, illustrant la résilience des secteurs traditionnels. L’agriculture a crû de 6,6 %, avec des poussées remarquables dans la pêche (16,4 %) et les cultures (6,7 %). Pour un pays où l’agriculture emploie plus de 30 % de la population, cette reprise revêt une importance sociale majeure.

L’optimisme se manifeste aussi dans les cercles financiers : “les prix des obligations en dollars du Ghana ont atteint des records fin juillet après que le gouvernement ait réduit son objectif de déficit budgétaire pour 2025, reflétant une amélioration du sentiment des investisseurs et des perspectives économiques plus favorables”.

Les défis persistants tempèrent l’optimisme des experts. Malgré ces résultats encourageants, les économistes maintiennent une analyse prudente. Kwabena Gyan Kwakye, économiste à la Banque mondiale, souligne que “les chocs macroéconomiques, particulièrement l’inflation, tendent à affecter les plus pauvres en premier. Les deux prochaines années seront très délicates pour les efforts de réduction de la pauvreté au Ghana”.

Les projections de pauvreté restent alarmantes : elle devrait atteindre 51,2 % d’ici 2027, tandis que l’extrême pauvreté toucherait 26,9 % de la population. Ces chiffres révèlent le défi majeur d’une croissance qui peine encore à se traduire en amélioration tangible des conditions de vie.

L’inflation, bien qu’en déclin, demeure préoccupante. Actuellement à 11,5 % en août 2025, son niveau le plus bas depuis octobre 2021, elle reste substantiellement au-dessus de la cible de la Banque centrale du Ghana (8±2 %).

La professeure Rym Ayadi, présidente d’EMEA et conseillère senior du CEPS, met l’accent sur les réformes structurelles : “Le gouvernement doit s’assurer que les revenus pétroliers et aurifères sont exploités efficacement tout en renégociant les concessions minières et les accords énergétiques pour maximiser les bénéfices nationaux”.

La dette publique reste un enjeu crucial. Bien que réduite à 70,5 % du PIB grâce à la restructuration des euro-obligations, elle limite encore la marge de manœuvre fiscale du gouvernement.

Perspectives stratégiques pour une croissance inclusive. Une récente étude de l’Institut d’études de sécurité (ISS) African Futures révèle que “l’économie du Ghana a le potentiel de croître à un rythme moyen de 9 % de 2025 à 2043”, ce qui pourrait “élever le PIB par habitant de 42 % supplémentaires par rapport à un scénario de statu quo, atteignant 12 720 dollars en 2043”.

Cependant, cette vision optimiste nécessite des réformes profondes. L’analyse souligne que “réaliser cela nécessite d’aborder les problèmes structurels qui ont affligé l’économie depuis l’indépendance. La première étape consiste pour le pays à poursuivre la diversification économique à travers une stratégie d’industrialisation nationale”.

Le président John Dramani Mahama a clairement exprimé sa stratégie : ne pas “se précipiter vers les marchés internationaux de capitaux”, privilégiant plutôt la mobilisation des ressources domestiques. Cette approche est soutenue par l’économiste Dr. Paul Appiah Konadu, qui met l’accent sur “l’importance de la gestion prudente des cedis plutôt que de courir après les dollars externes”.

Pierre Laporte, directeur pays de la Banque mondiale pour le Ghana, tempère : “Une croissance élevée, des taux d’intérêt majorés et des incertitudes macroéconomiques maintiendront la consommation privée et la croissance des investissements en dessous des niveaux pré-pandémiques, conduisant à une croissance non-extractive modérée à court terme”.

La stratégie de développement doit également s’appuyer sur les programmes existants comme “One District, One Factory” et “Planting for Food and Jobs Phase 2” pour créer des emplois, particulièrement pour les jeunes où le chômage demeure critique.

Un équilibre délicat entre espoir et réalisme. Le Ghana traverse indéniablement une période charnière. Les signaux de reprise sont tangibles et encourageants, portés par un secteur des services dynamique et une agriculture résiliente. Cette performance reflète une navigation réussie des défis de restructuration de la dette et une amélioration de la stabilité macroéconomique.

Cependant, comme le soulignent les experts, cette embellie ne doit pas occulter les défis structurels profonds. La pauvreté croissante, le chômage des jeunes et la dépendance aux matières premières constituent autant d’obstacles à une croissance inclusive.

Le succès du redressement économique ghanéen dépendra ultimement de la capacité des autorités à transformer cette reprise conjoncturelle en transformation structurelle durable. Dans cette perspective, le Ghana pourrait effectivement devenir un modèle de résilience économique pour le continent africain, à condition de maintenir le cap des réformes et de placer l’inclusion sociale au cœur de sa stratégie de développement.

Fiacre VIDJINGNINOU