Niger : les militaires boudent la levée des sanctions de la CEDEAO - FINECO

Niger : les militaires boudent la levée des sanctions de la CEDEAO

Niger : les militaires boudent la levée des sanctions de la CEDEAO

Quelques semaines après la levée des sanctions imposées au Niger par plusieurs de ses voisins, l’économie nigérienne redémarre lentement, mais les militaires qui ont pris le pouvoir fin juillet 2023 maintiennent toujours les frontières fermées.

La route à Gaya (sud-ouest) sur le pont reliant le Niger au Bénin restée toujours barrée par les obstacles matériels placés en prévision d’une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le bras de fer politique et économique entre Niamey et la Cedeao, qui a réclamé en vain la libération du président déchu Mohamed Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel, dure depuis le coup d’Etat l’ayant renversé le 26 juillet 2023.

L’annonce de la levée des sanctions, le 24 février 2024 le président nigérian Bola Tinubu laissait entrevoir une reprise du dialogue avec les militaires au pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali qui ont annoncé leur retrait de la Cedeao fin janvier. Dans la foulée de la levée des sanctions, le Bénin et le Nigeria ont rouvert leurs frontières, mais elles restent fermées côté nigérien.

A l’instar de la Cedeao, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a également levé ses sanctions impliquant notamment le gel des avoirs de l’État du Niger et la suspension des transactions financières en sa faveur.

Si l’espace aérien reste fermé aux vols en provenance ou à destination du Nigeria, la compagnie aérienne panafricaine Asky basée au Togo et Air Côte d’Ivoire ont annoncé le 2 mars la reprise de leurs liaisons vers Niamey.

En annonçant la levée des sanctions le 24 février, le président nigérian Bola Tinubu exhortait le Niger, le Burkina Faso et le Mali à reconsidérer leur décision et à ne plus considérer l’organisation comme une ennemie. Une exhortation restée sans réponse officielle. « Je ne veux pas commenter une décision d’une organisation à laquelle le Mali n’appartient pas », avait déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Selon une source gouvernementale à Niamey, l’annonce de la Cedeao est un « non-évènement », les autorités nigériennes prenant toujours au sérieux la possibilité d’une éventuelle intervention militaire depuis les pays voisins.

Retour progressif au pragmatisme et populations soulagées

Le pragmatisme économique laisse toutefois entrevoir une ouverture prochaine des frontières. Avant le coup d’État de juillet, le corridor béninois accueillait 80% du fret nigérien via le port de Cotonou, situé à un millier de km de Niamey. Ce port constitue également le terminal d’un oléoduc géant inauguré en novembre qui doit permettre au Niger d’exporter 90.000 barils de brut par jour. Du 4 au 8 mars, une délégation nigérienne a visité les installations douanières de part et d’autre de la frontière avec le Bénin.

La levée des sanctions a été accueillie avec soulagement par les habitants et commerçants de Niamey, qui tournent progressivement la page des camions bloqués, des pénuries de liquidité, de produits alimentaires et de médicaments, de coupures d’électricité, de vols perturbés…

Debout devant son salon de coiffure au quartier Dan Zama, Mohamed retrouve le sourire : « les clients se bousculent pour se faire coiffer ». Le Nigeria qui fournissait au moment du coup d’État environ 70% de l’électricité du Niger, avait brusquement interrompu sa fourniture, provoquant des coupures de courant qui avaient affecté l’économie du pays.

Depuis début mars, « le réseau de la Société nigérienne d’électricité (Nigelec) est reconnecté à la ligne électrique haute tension » longue de 820 km entre Niamey et Birnin-Kebbi au Nigeria.

Depuis quelque temps, « nous n’avons enregistré aucune rupture d’électricité. Notre usine tourne à plein régime car on essaie de rattraper les pertes de production engendrées par plus de six mois de perturbations », explique Saley Moussa, employé d’une usine de fabrication de sodas à Niamey.

Pendant des mois, de longues files d’attentes s’étaient formées dans les principales banques du pays. Les clients étaient contraints de patienter plusieurs heures pour retirer des sommes d’argent limitées.

« Les transactions bancaires sont désormais possibles avec les banques étrangères », confirme le responsable d’une banque de Niamey, même si le versement de certains salaires dans la fonction publique accuse encore du retard.

Gervais Loko