Côte d’Ivoire : une levée de fonds sous haute tension pour Ouattara

Face à une pression budgétaire croissante et des échéances de dette qui se rapprochent, Abidjan lance une opération financière majeure sur le marché régional. En coulisses, cette levée de fonds s’apparente à un test de confiance pour le régime d’Alassane Ouattara, contraint de jongler entre exigences du Trésor et crédibilité auprès des créanciers.
Une opération vitale pour les finances publiques. Lundi 19 février 2025 marque le coup d’envoi d’une manœuvre délicate pour le gouvernement ivoirien : une levée de 600 millions d’euros (400 milliards de francs CFA) via le marché financier de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Deux emprunts obligataires sont prévus :
- 160 milliards de FCFA à un taux de 5,9 % pour une maturité de cinq ans
- 240 milliards de FCFA à 6 % sur sept ans (2025-2032)
Cette émission est confiée à la Direction générale des financements (DGF) de Lanciné Diaby, bras financier du gouvernement chargé d’équilibrer un budget mis à rude épreuve. Officiellement, cette opération vise une « optimisation de la dette » : une restructuration censée offrir un bol d’air aux finances publiques. Mais en interne, la réalité est plus préoccupante.
Le Trésor public ivoirien se retrouve en grande difficulté pour honorer certaines échéances obligataires arrivant à maturité en mars 2025. Faute de ressources immédiates, Abidjan est contraint d’échanger ces dettes contre de nouveaux titres de créance, un mécanisme qui permet d’éviter un défaut de paiement sans assainir réellement la situation.
Des créanciers en attente de garanties. Les banques, sociétés d’assurances et fonds de pension – principaux créanciers de l’État ivoirien – suivent cette manœuvre avec attention. L’idée d’un rééchelonnement de dette sur le marché régional rappelle les stratégies mises en œuvre au Congo sous le label Programme national d’optimisation de la trésorerie (PNOT), conçu par le financier franco-ivoirien Ibrahim Magassa, aujourd’hui impliqué dans plusieurs réformes financières en Afrique centrale.
En Côte d’Ivoire, environ une trentaine d’emprunts et de titres du Trésor sont concernés par cette restructuration. L’objectif est d’éviter une accumulation de tensions sur le marché de la dette intérieure, où plusieurs États ouest-africains se livrent déjà à une course aux financements.
Trois banques en première ligne. Pour garantir la réussite de cette levée de fonds, Abidjan s’appuie sur un trio d’acteurs financiers bien implantés dans la région :
- Bridge Securities – La banque d’affaires et d’intermédiation du groupe Teyliom, dirigé par Yérim Sow, un entrepreneur influent entre Dakar et Abidjan.
- BNI Finances – L’établissement public ivoirien, qui joue un rôle clé dans le soutien aux emprunts souverains.
- Attijari Securities West Africa – Filiale régionale du groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank, supervisée par Daouda Coulibaly, un proche des cercles financiers ivoiriens.
Ces institutions auront pour mission de sécuriser l’adhésion des créanciers et d’éviter tout emballement sur le marché. Une confiance trop fragile pourrait entraîner une flambée des taux d’intérêt et compliquer les futures émissions de dette.
Un signal aux investisseurs ? L’opération intervient dans un climat où le gouvernement ivoirien cherche à rassurer sur la soutenabilité de son endettement. Avec une dette publique avoisinant les 60 % du PIB, la Côte d’Ivoire reste en deçà des seuils d’alerte du FMI, mais la dynamique actuelle inquiète certains analystes.
D’autant que la tenue prochaine des élections de 2025 alimente des spéculations sur d’éventuelles dépenses publiques expansionnistes, notamment pour financer des projets d’infrastructure ou des mesures de soutien à la population. Cette levée de fonds constitue donc un test de crédibilité pour Alassane Ouattara et son équipe économique.
Si la demande des investisseurs est forte, cela confirmerait la confiance du marché dans la capacité d’Abidjan à honorer ses engagements. À l’inverse, un intérêt limité ou des taux plus élevés que prévu pourraient signaler des doutes sur la stabilité financière du pays.
Jeu d’équilibriste. Cette émission obligataire ne suffira pas à régler les défis budgétaires à long terme. Dans les mois à venir, le gouvernement ivoirien devra composer avec d’autres impératifs financiers, notamment le remboursement d’échéances liées à ses euro-obligations sur les marchés internationaux.
D’ici là, les créanciers régionaux seront attentifs aux garanties offertes par l’État ivoirien. Un échec de cette levée de fonds serait un signal préoccupant, non seulement pour la Côte d’Ivoire, mais pour l’ensemble du marché financier ouest-africain, où la dette souveraine est devenue un enjeu majeur de stabilité économique.
Vers une Côte d’Ivoire sous contrainte financière ? Le lancement de cette opération de refinancement marque une nouvelle phase dans la gestion de la dette ivoirienne. Si le gouvernement parvient à convaincre les investisseurs, il gagnera un répit précieux pour stabiliser ses finances. Mais une réussite en demi-teinte pourrait compliquer ses futures levées de fonds et fragiliser sa position sur le marché régional.
Derrière cette simple émission obligataire, c’est toute la politique budgétaire de la Côte d’Ivoire qui est mise à l’épreuve. Ouattara joue gros, et les prochains jours diront si les investisseurs restent convaincus par la solidité de l’économie ivoirienne.
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